• Jeanne Dumée

    Jeanne Dumée, étonnante copernicienne

    Soon in English

     

     

    Jeanne Dumée

    Jeanne Dumée serait née à Paris en 1660 dans une famille bourgeoise, mais cette information n'est pas vérifiée. Les historiens des sciences qui la mentionnent dans leurs ouvrages ne savent - de manière certaine - que très peu de choses sur sa vie privée : veuve à l'âge de dix-sept ans d'un soldat à qui elle avait été mariée de manière précoce, elle a hérité de suffisamment de biens pour ne pas avoir à se remarier et pour consacrer tout son temps à sa passion : l'astronomie.

    Elle aurait acquis des connaissances dans cette discipline en lisant toutes les parutions de son temps à ce sujet, mais aussi en fréquentant plus d'une vingtaine d'observatoires amateurs. Elle a suivi avec grand intérêt les découvertes de Jean-Dominique Cassini (1625-1712) sur Jupiter, Mars et Saturne. Elle a même aménagé un observatoire dans son grenier pour vérifier par elle-même ce que lisait sur les observations de ses contemporains. Elle était connue dans les salons où sa grande maîtrise des idées modernes et ses propres observations lui donnent une autorité établie.

    A une époque où les femmes qui se piquent de faire des sciences sont particulièrement mal considérées, elle donne des conférences de vulgarisation scientifique et n'hésite pas à faire construire deux shères pour soutenir son exposé sur les deux modèles cosmologiques qui font débat à l'époque : le géocentrisme et l'héliocentrisme. La première sphère présentait l'ancien système, avec le Terre au centre, entourée du Soleil et des autres planètes. La seconde était conçue selon le système de Copernic, avec le Soleil au centre.

    Ses conférences ont un tel succès qu'elle écrit en 1680 ses Entretiens sur l'Opinion de Copernic touchant la mobilité de la Terre, qui ne seront jamais publiés, mais que l'on peut lire aujourd'hui sur Gallica. L'absence de publication n'est pas expliquée à ce jour, mais Jeanne était sans doute victime d'une auto-censure due à la prudence dont il fallait faire preuve à cette époque : la condamnation de Galilée en 1633 est encore présente dans tous les esprits scientifiques de l'époque. Descartes, par exemple, ne publiera jamais de son vivant son traité intitulé Du Monde, présentant sa vision de la mécanique céleste.

    En effet, Jeanne Dumée commence ainsi ses Entretiens :

    "Ce que je prétends dire ici de l'opinion de Copernic n'est pas à dessein de l'établir, encore moins de la vouloir soutenir, mais seulement pour faire valoir les raisons avec lesquelles les Coperniciens se défendent et encore pour satisfaire à quelques personnes savantes qui, m'ayant fait l'honneur de me visiter, virent une sphère que j'avais dressée suivant cet opinion. Ils m'obligèrent de les entretenir de cette opinion et m'engagèrent de les mettre par écrit". J. Dumée, Entretiens sur l'Opinion de Copernic touchant la mobilité de la Terre, manuscrit de 1680.


    Elle présente dans cet ouvrage, avec une clarté déconcertante, l'ensemble du système de Copernic, la position du Soleil et de chaque planète, et les trois mouvements de la Terre, avec une rigueur remarquable. Elle explique, par exemple :

    "Le même auteur [Copernic] donne trois mouvements à la Terre, le premier est diurne, le second l'annuel et le troisième l'inclinaison. Il explique ces trois mouvements de cette manière ; que le diurne est le circuit ou révolution que fait la terre dans les vingt-quatre heures autour de son propre essieu d'Occident en Orient, ce qui n'est qu'à l'égard de la partie de la terre que nous habitons [...]." J. Dumée, Entretiens sur l'Opinion de Copernic touchant la mobilité de la Terre, manuscrit de 1680.

    Dernier point extraordinaire à propos de Jeanne Dumée : elle est tout à fait consciente que sa démarche scientifique est une action féministe. A propos de son travail, elle écrit en effet :

    "On dira peut-être que c'est un ouvrage trop délicat aux personnes de mon sexe ; je demeure d'accord que je me suis laissé touchée à l'ambition de travailler sur des matières auxquelles les dames de mon temps n'ont encore point pensé et même afin de leur faire connaître qu'elles ne sont pas incapables de l'étude, si elles s'en voulaient donner la peine, puisqu'entre le cerveau d'une femme et celui d'un homme il n'y a aucune différence. Je souhaiterais que mon livre leur put donner quelque émulation." Jeanne Dumée.

    Cet article a été rédigé par L.G.Th

    Sources principales :

    J. Dumée, Entretiens sur l'Opinion de Copernic touchant la mobilité de la Terre, manuscrit de 1680, Gallica

    J;-P; Poirier, Histoire des Femmes de Science en France, édition de 2002

    J. J. Lalande, Astronomie des Dames.

     

     


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :